Dans un contexte où la transition énergétique s'impose comme une priorité nationale et internationale, le dispositif des Certificats d'Économie d'Énergie (CEE) se trouve à un tournant décisif. Initialement conçu comme un levier majeur pour atteindre l'objectif ambitieux de réduction de 30% de la consommation énergétique française d'ici 2030, ce mécanisme fait aujourd'hui l'objet d'un examen approfondi et de propositions de réforme.
Le dispositif CEE à la croisée des chemins
Le bilan actuel du programme CEE est mitigé. Pour la période 2022-2025, l'objectif initial de 2600 térawattheures cumac a été rehaussé à 3100 térawattheures cumac en réponse à la crise énergétique déclenchée par la guerre en Ukraine. Cependant, cet objectif semble hors de portée. Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting, estime qu'il faudrait doubler la collecte de CEE pour l'atteindre.
Les ambitions pour la 6ème période (2026-2030) sont encore plus élevées, avec le gouvernement envisageant de doubler, voire tripler, les objectifs. Cette perspective soulève des inquiétudes quant à la faisabilité et l'impact sur les différents acteurs, notamment les industriels.

Défis et opportunités pour l'industrie
Pour le secteur industriel, le dispositif CEE présente à la fois des défis significatifs et des opportunités potentielles.
L'instabilité réglementaire constitue un défi majeur. Depuis 2018, près de 280 textes ont été adoptés pour modifier et compléter le dispositif, créant un environnement complexe et en constante évolution. Cette situation complique la planification à long terme des investissements énergétiques pour les entreprises.
La fiabilité du calcul des économies d'énergie est également remise en question. La méthode actuelle, basée sur des fiches standards, est jugée trop théorique. La Cour des Comptes a relevé une surévaluation d'au moins 30% pour 2022 et 2023, ce qui pourrait conduire à une révision des critères d'éligibilité des projets industriels et potentiellement réduire les opportunités de financement.
L'impact sur les coûts énergétiques est un autre point de préoccupation. Le financement du dispositif étant répercuté sur les factures énergétiques, une augmentation significative des objectifs pourrait entraîner une hausse des coûts pour les consommateurs industriels, affectant leur compétitivité.
Enfin, le manque d'artisans qualifiés labellisés RGE (Reconnu Garant de l'Environnement) pourrait limiter la capacité des industriels à mettre en œuvre certains projets d'efficacité énergétique, le nombre de ces professionnels stagnant autour de 60 000.
Malgré ces défis, le dispositif CEE offre des opportunités d'innovation et d'amélioration de l'efficacité énergétique. Les entreprises proactives peuvent tirer parti de ce mécanisme pour financer des projets de modernisation et réduire leur consommation énergétique à long terme.
Contactez nos experts pour discuter
de votre projet et de votre éligibilité aux CEE
Critiques et pistes de réforme
Face à ces enjeux, plusieurs voix s'élèvent pour réclamer une réforme en profondeur du dispositif CEE. La Cour des Comptes, dans un rapport récent, a préconisé soit la suppression du dispositif, soit sa refonte complète. L'ADEME a également lancé une évaluation approfondie du mécanisme.
Parmi les pistes de réforme envisagées, on trouve :
- La transformation des CEE en certificats carbone, alignant ainsi le dispositif sur les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
- Un ciblage plus précis du dispositif, en se concentrant sur les ménages précaires ou certains secteurs professionnels spécifiques.
- La création de nouvelles fiches liées à l'électrification des processus industriels, ouvrant de nouvelles opportunités pour les entreprises.
- L'amélioration du suivi et de l'évaluation des résultats réels des projets, pour garantir l'efficacité du dispositif à long terme.
Ces propositions visent à adresser les principales critiques du système actuel, notamment son manque de flexibilité et sa complexité administrative.
Perspectives et stratégies pour les industriels
Dans ce contexte d'incertitude et de changement potentiel, les industriels doivent adopter une approche proactive et stratégique vis-à-vis des CEE.
Il est crucial d'anticiper les évolutions réglementaires en restant informé des discussions en cours et des tendances du secteur. Les entreprises ont intérêt à identifier dès maintenant les projets d'efficacité énergétique qui pourraient bénéficier du dispositif actuel ou futur.
L'optimisation des bénéfices tirés des CEE nécessite une expertise pointue. Face à la complexité croissante du système, l'accompagnement par des spécialistes devient essentiel pour naviguer dans les méandres administratifs et maximiser les retombées financières.
Enfin, il est important d'intégrer les CEE dans une stratégie énergétique globale de l'entreprise. Au-delà des avantages financiers immédiats, les projets soutenus par les CEE doivent s'inscrire dans une vision à long terme de réduction de la consommation énergétique et d'amélioration de la performance environnementale.
En conclusion, bien que le dispositif des CEE soit à un tournant, il reste un outil important pour financer la transition énergétique des entreprises. Les industriels qui sauront anticiper les changements et adapter leur stratégie seront les mieux placés pour tirer parti de ce mécanisme en évolution.
Les certificats d'Économie d'Énergie (CEE), qu'est-ce que c'est ?
Les Certificats d'Économie d'Énergie (CEE) sont un dispositif réglementaire obligeant les fournisseurs d'énergie (électricité, gaz, fioul domestique, carburants, etc.) à promouvoir activement l'efficacité énergétique auprès des consommateurs. Créé en 2006, ce mécanisme impose aux fournisseurs d'énergie de réaliser des économies d'énergie, quantifiées en "kWh cumac" (kilowattheures cumulés actualisés), sous peine de sanctions financières. Pour atteindre leurs objectifs, ces "obligés" peuvent soit inciter leurs clients à réaliser des travaux d'économies d'énergie, soit acheter des CEE à d'autres acteurs ayant mené des actions d'économies d'énergie, soit contribuer financièrement à des programmes d'accompagnement. Ce système vise à stimuler les investissements dans l'efficacité énergétique dans tous les secteurs de l'économie, y compris l'industrie.